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GILLES DE RAIS.

sance de Jean V, il les fit conduire par le marquis de Ceva au delà des frontières de la Bretagne, au château de Tiffauges, en Poitou[1].

Une révolte si audacieuse demandait une prompte et sévère répression. Une troupe considérable, aux ordres du duc de Bretagne, s’avança contre Saint-Étienne-de-Mer-Morte et s’en empara : Gilles s’était déjà réfugié dans Machecoul, où il attendait les événements. Ils marchèrent vite. Impuissant à délivrer des fers Jean Le Ferron et ses compagnons de captivité, le duc de Bretagne mit dans ses intérêts le roi de France, que gouvernait en maître le connétable de Richemont. Celui-ci, épousant la querelle de son frère, se déclara l’ennemi de son ancien compagnon d’armes et vint mettre le siège devant Tiffauges. Le maréchal, inquiet de la mauvaise tournure que prenaient ses affaires, effrayé de voir levées contre lui les deux puissances souveraines, se hâta de rendre aux captifs la liberté[2].

Il croyait certainement que cet acte de soumission dissiperait l’orage qui menaçait sa tête ; mais il se trompait. Par la prise de Saint-Étienne-de-Mer-Morte et la reddition des prisonniers, la justice du duc de Bretagne était à peu près satisfaite : restait bien encore à régler le compte des injures faites à sa personne et à ses gens ; mais, poussé à bout par la force, contraint par la nécessité, Gilles aurait consenti à tout : un peu d’or, beaucoup d’or même, s’il avait fallu en donner beaucoup, aurait couvert ses fautes ; et la paix aurait suivi, sans profit pour le peuple, sans mesure contre l’oppression qui pesait sur lui, sans consolation pour sa douleur. Heureusement, comme nous l’avons dit, l’attentat de Saint-Étienne-de-Mer-Morte était double : en attaquant l’État, Gilles avait offensé l’Église ; ce fut ce qui le perdit. Tant bien que mal, le duc avait vengé ses injures en revendiquant ses droits ; l’évêque de Nantes allait venger celles du peuple en

  1. Proc. civ., fo 369, vo et suiv..
  2. Proc. civ., fo 370, vo.