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EUSTACHE BLANCHET.

nouvel arrivé ; Eustache Blanchet lui demanda des nouvelles de Nantes et de Clisson. Le voyageur, dont l’esprit était encore plein des récits qu’il avait entendus sur sa route, lui répondit qu’à Nantes, à Clisson et dans tous les lieux circonvoisins, il n’était question que de crimes épouvantables : on disait partout dans le peuple que le maréchal de Rais, seigneur de Tiffauges, faisait massacrer de nombreux enfants, et que, avec le sang de ses victimes, il écrivait de sa propre main un livre mystérieux ; que, lorsque ce livre serait achevé, toute forteresse tomberait devant le puissant baron comme par enchantement, sans que personne put jamais lui nuire dans l’avenir. L’entretien prit fin sur ce récit ; mais, dès cette heure, Eustache Blanchet fut définitivement établi dans sa résolution de ne plus jamais revoir ni Tiffauges ni le maréchal[1].

L’occasion du retour cependant ne devait pas tarder à lui être offerte. Dès le lendemain, en effet, au matin, Eustache Blanchet vit arriver de Tiffauges l’orfèvre Jean Petit, que Gilles de Rais et Prélati avaient dépêché pour lui dire qu’il était parti sous un prétexte ridicule, qu’ils le rappelaient de tous leurs vœux, lui mandant de revenir au plus vite. « Jamais, répondit Blanchet : les bruits qui sont répandus sur le maréchal et sur maître François s’y opposent trop fortement. S’ils sont fondés, ajouta-t-il, je vous en supplie, dites à Gilles et à maitre François de quitter une voie où ils commettent de si grands crimes. J’ignore si les récits du peuple sont justes ; mais à tout le moins ils sont généralement semés dans toute la contrée. » L’orfèvre, sur ces paroles, moins avisé que son ami, repartit pour Tiffauges, où il rapporta, comme le croyait plus tard Eustache Blanchet, cette conversation à Gilles son maitre. Mal en prit à l’imprudent ; car, à la nouvelle du refus d’Eustache et des bruits populaires qui couraient sur lui, Gilles entra dans une violente colère contre le malheureux orfèvre,

  1. Proc. ecclés., Conf. de Blanchet, p. lxxv.