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GILLES DE RAIS.

vinces les plus éloignées de la France et de l’Europe, attribue à Gilles de Rais le meurtre de sept femmes, qu’il aurait, dit-on, épousées légitimement[1]. Nous verrons plus tard, en traitant de la légende de Barbe-Bleue, ce qu’on doit penser de cette croyance populaire : il suffit maintenant de constater que la tradition est en désaccord avec l’histoire. Gilles, en effet, ne fut marié qu’une seule fois, et sa femme, Catherine de Thouars, survécut de plusieurs années au supplice de son mari. On ne peut donc rapporter à Gilles ce trait de la tradition, au moins avec cette précision nette qu’offre la légende. Car, que Gilles de Rais ait porté ses mains homicides sur des femmes aussi bien que sur des hommes[2] ; que des enfants des deux sexes aient subi ses violences, rien n’est plus certain ni plus incontestable : le fait est signalé en plus d’un endroit des documents judiciaires. On a le nom d’un jeune homme de vingt ans qui périt par ses mains ; on a la preuve que des jeunes filles ou des femmes furent victimes de ses cruautés voluptueuses : « Il avoua, dit Monstrelet, historien contemporain du maréchal, il avoua avoir fait mourir plusieurs enfants en bas âge et femmes enceintes. » Rien donc n’était capable de toucher cette âme : ni l’âge le plus tendre, car des enfants à la mamelle moururent de ses cruautés, et moins que des enfants à la mamelle ; ni le sexe le plus faible, car de timides jeunes filles furent victimes de ses terribles divertissements.

Ou plutôt, il était des enfants privilégiés qu’il aima plus que ses passions, plus que le goût du sang et de la mort, auquel pourtant il sacrifiait tout, son âme et son honneur. Ceux-là, du moins, s’ils ne furent pas respectés par ses infâmes plaisirs, ne furent pas victimes de ses cruautés : c’étaient les enfants de sa chapelle[3], et en particulier les fils de Jean

  1. Le Grand Dictionnaire universel du xixe siècle prétend « qu’il massacra un nombre illimité de femmes, et que sept d’entre elles furent, dit-on, légitimement épousées par lui : circonstance qui a donné évidemment lieu au conte de Perrault, a fait remarquer le Moniteur du soir du 10 février 1866. »
  2. Proc. ecclés., p. xcviii, etc. — Proc. civ., Conf. de Henriet, fo 383, vo.
  3. Proc. ecclés., Conf. de Poitou, p. lxxxix. — Proc. civ., Conf. de Henriet, fo 384, ro.