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GILLES DE RAIS.

quels maîtres il s’était donnés en s’entourant, d’adulateurs pour flatter son ambition, et de complices pour servir à sa débauche : c’est ici le lieu de dire quels furent leur rôle et leur empire. Ils s’étaient constitués les amis du baron, se chargeaient de ses affaires, des plus délicates et des plus monstrueuses[1] ; veillaient à lui trouver des plaisirs nouveaux ; étaient les agents actifs de ses spéculations et de sa ruine, s’enrichissant sans remords des débris de sa fortune[2]. Leur importance découlait de leurs services : leurs bassesses les rendaient commodes ; leur intelligence, utiles ; leur empressement et leur propre intérêt, dévoués ; leur familiarité, nécessaires ; leur corruption et leurs vices, charmants. Préparés à tout, à tout décidés d’avance, même au crime ; sans pudeur, sans conscience, sans humanité, ils s’entremettaient auprès du maître, s’entendaient entre eux, s’imposaient à sa faiblesse, le flattaient avec habileté ; lui ouvraient tout à coup, après toutes les joies épuisées, les sources les plus imprévues du plaisir ; évoquaient enfin à ses yeux les plus séduisants fantômes de la grandeur et de la fortune. Enveloppé de leurs flatteries comme d’un filet, Gilles ne peut plus s’en débarrasser ; que dis-je ? il aime les chaînes dont on le charge ; il lui est impossible de s’en passer[3]. Capables du reste, lettrés parfois, actifs, habiles, hardis, rompus aux affaires et aux intrigues, ils s’emparent de tout, prennent sur eux toutes les fatigues, ne laissant au maître que le léger fardeau de la jouissance tranquille.

Plusieurs étaient italiens, de ce peuple si habile en l’art de plaire, de cette race élégante et fine, prompte à tout entreprendre et à tout oser[4]. Les Italiens étaient particulièrement recherchés des grands seigneurs et des princes de cette époque : partout, les plus habiles et les plus corrompus se glissaient dans l’amitié des rois et des riches barons.

  1. Mém. des Héritiers, fo 11, ro et vo, etc. — Lettres patentes de Charles VII.
  2. Mém. des Hérit., fo 7, ro, etc. Pièces communiquées par M. Doinel.
  3. Mémoire des Héritiers, fo 16, vo.
  4. Proc, ecclés., Conf. de Gilles, p. LIII.