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GILLES DE RAIS.

tité de lingots d’or. Au bout de quelques jours, il voulut y toucher, mais l’esprit malin lui défendit d’y mettre la main, car le moment n’était pas encore venu. Prélati alla porter cette nouvelle à Gilles de Rais. « Puis-je voir cet or ? » demanda le maréchal. « Oui », répondit Prélati ; et sur cette réponse, ils se rendirent tous les deux à la chambre où cet or était renfermé. Mais, au moment où Prélati ouvrit la porte, un énorme serpent vert, de la grosseur d’un chien, lui apparut couché sur le plancher : « N’entrez pas ! n’entrez pas ! cria-t-il au maréchal, car j’aperçois un grand serpent. » À ce cri, Gilles s’enfuit épouvanté, et Prélati après lui. Mais, sa première frayeur passée, le maréchal veut revenir à la chambre. Pour s’enhardir contre les attaques du démon, il a pris dans ses mains une croix, qui renferme une portioncule de la vraie croix ; ainsi protégé, dans sa pensée, contre tout péril, il s’imagine pouvoir entrer impunément dans le lieu redoutable. Mais Prélati l’arrête ; il lui fait comprendre qu’il est mal d’employer une croix bénite à de pareils usages, et le maréchal se range à son avis. Dans la suite, Gilles revint à cette même chambre ; mais il n’aperçut que des oripeaux d’or, dont, au seul toucher de Prélati, il ne resta qu’un peu de poussière jaune : « d’où je connus bien, disait Gilles à ses juges, la fausseté de l’esprit malin[1] ». Si l’on se demande comment Gilles, malgré tant d’avortements de ses entreprises, persévérait toujours dans sa foi en Prélati et dans ses espérances, il faut en chercher la raison dans sa crédulité naturelle et dans l’excès colossal de son ambition.

Quelque temps après cet événement, Gilles partit pour le Berry, et se rendit à Bourges, vraisemblablement pour paraître à la cour. En quittant Prélati, il lui recommanda ses affaires et le pria de lui écrire bientôt le résultat de ses évocations. Au bout de quelques jours, Gilles reçut de l’italien une lettre et un petit coffret. Dans cette lettre, Prélati annonçait au maréchal, « par paroles couvertes, et

  1. Proc. ecclés., Conf. de Gilles, p. LII, LIII ; Conf. de Prélati, p. LXXI.