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XV
INTRODUCTION

quoddam commune vinculum et quasi cognatione quâdam inter se continentur.[1]  »

La vie de tels hommes est un drame émouvant : ils apparaissent dans l’histoire, comme sur une scène, avec leurs passions, leurs luttes, leurs défaites ou leurs triomphes ; de ces hommes surtout est vraie la parole de. Voltaire : « L’histoire est un drame. » Peut-on imaginer rien de plus saisissant que le spectacle d’une telle vie, commencée dans toute la grandeur que donnent la noblesse de l’origine, la puissance et la richesse, et finissant au bout d’une potence élevée au dessus d’un bûcher ? L’histoire, qui nous offre de terribles catastrophes, des jeux cruels de la fortune ou plutôt de la Providence, en a d’aussi grands et peut-être de plus grands encore ; mais elle n’a rien à présenter de plus émouvant ni de plus dramatique que la vie du maréchal de Rais. Néron, auquel on peut le comparer par plus d’un côté, terminant lâchement et de sa propre main, au fond d’un marais, une vie commencée sous d’heureux auspices, touche moins que Gilles de Rais, criant miséricorde à Dieu et demandant pardon aux hommes avant d’expirer au sein des flammes et du repentir.

Car c’est un point qu’il importe de remarquer : si la dernière partie de la vie de cet homme fut d’un monstre, ses derniers jours et sa mort furent d’un converti. Ç’a été le triomphe du christianisme au moyen âge de mettre dans les âmes et de conserver malgré les plus grands orages, des germes vivaces de repentir et de résurrection morale, qui s’éveillent à la dernière heure de la vie : sève mystérieuse et féconde, qui ranime tout à coup la nature mourante et donne quelque chose de semblable à l’épanouissement tardif de verdure aux derniers beaux jours de

  1. Cicéron : Pro Archia poeta.