Page:Bossard - Gilles de Rais dit Barbe-Bleue, 1886.djvu/142

Cette page a été validée par deux contributeurs.
119
LA SCIENCE AU XVe SIÈCLE.

excepte quelques hommes d’élite, comme Gerson et Pierre d’Ailly, de vains docteurs remplacèrent les Albert le Grand et les Thomas d’Aquin ; le bruit des armes, le hennissement des chevaux, les cris des combattants succédèrent au silence de l’étude, aux pacifiques joutes de l’esprit. Les lettres sont le fruit de la paix ; le trouble les rend stériles, comme il est stérile lui-même : les fruits ne se forment pas sur l’arbre agité par le vent ; ils tombent. Comment s’adonner à la culture des lettres durant cette guerre funeste qui dura cent ans ? Une seule préoccupation avait envahi tous les esprits ; une seule inquiétude tourmentait toutes les âmes : l’invasion étrangère, le péril de la patrie menacée dans son indépendance. Envahie par l’anglais, divisée et désorganisée par les révoltes intérieures ; n’ayant, pour ne pas se dissoudre complètement, que le faible lien de la suzeraineté si souvent brisé par l’orgueil ou par la vengeance ; démembrée, pour ainsi dire, par la défaite ou par la défection, la France ressemblait à un domaine dévasté par des barbares. Le sol appauvri ne pouvait nourrir ni les intelligences ni les corps ; les pensées n’y mûrissaient non plus que les épis : c’était la famine.

Et pourtant, ce XVe siècle, sur lequel tant de causes avaient épaissi les ténèbres, pareil à un homme longtemps plongé dans l’obscurité, était avide de voir et de connaître. Les hommes de cette époque troublée, d’autant plus curieux d’apprendre qu’ils ignoraient davantage, impatients de se retrouver, pour ainsi dire, au même point après des siècles d’efforts pour aller en avant, en vinrent à se dire que la science était un arcane impénétrable aux hommes ordinaires, mais accessible à ceux qui étaient favorisés des puissances surnaturelles. De là, les sciences occultes ; de là, l’alchimie, qui précède la magie ; de là, les évocations du démon ; de là, les relations établies entre l’homme et les puissances de l’enfer ; de là, enfin, toutes les pratiques mystérieuses des sciences interdites aux profanes. Il était bien difficile à l’homme de s’arrêter dans cette voie. Comme il y était entré