Page:Bossard - Gilles de Rais dit Barbe-Bleue, 1886.djvu/110

Cette page a été validée par deux contributeurs.
87
LES DRAMES.

tion des auteurs, et les progrès de la langue populaire, passa de l’Église sur la place publique, du latin dans la langue vulgaire, des mains des prêtres à celles des laïques, du drame liturgique au drame semi-liturgique. De celui-ci naquit enfin, après bien des années, le drame proprement dit, toujours religieux dans sa source d’inspiration, mais devenu profane et sécularisé par le lieu de la scène et par la qualité des acteurs. Comment se fit cette transformation ? Nous n’avons pas à le redire ; il suffit de remarquer, pour avoir une idée juste de ce théâtre si aimé de Gilles de Rais, qu’une force insensible attira le drame hors de l’Église où il était né, sur la place publique où il devait se modifier en se développant ; le fit passer des mains du prêtre aux mains du laïque, et dépouiller la langue latine et sacrée pour revêtir la langue profane et nationale.

À défaut de toute autre histoire, celle de Gilles de Rais nous fixerait sur les parties principales de notre ancien théâtre. Mais la lumière nous est venue, abondante, des savants ouvrages qui ont été publiés sur ce sujet dans ces derniers temps[1]; et c’est à la clarté de ces travaux que nous suivrons nos documents, où sont contenus les goûts et l’histoire des folles dépenses de Gilles de Rais pour les jeux de la scène. Il faut dire quelque chose d’abord des pièces qu’il faisait représenter : les mystères, les jeux, les farces, les moresques, les personnages, les moralités[2].

Au premier rang, d’accord avec nos documents, il faut placer les mystères. De tous les genres dramatiques, c’était celui qui, à cette époque, avait le plus de vogue, parce qu’il offrait les plus merveilleux spectacles. La scène, quelquefois vaste comme le monde, mettait en action les plus grands événements de l’histoire, et pendant des journées intéressait le spectateur immobile devant l’interminable série des ta-

  1. Surtout M. Petit de Julleville, Histoire du théâtre français. — M. Marius Sepet, le Drame chrétien, passim. — M. Paulin Paris, Mise en scène des Mystères. Paris, 1855, in-8o.
  2. Mémoire des Héritiers, fo 9, vo.