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pas rare de notre temps. Les uns dirent que cette absence d’émotion et d’inquiétude était due à la complète innocence de mademoiselle Adrienne. Les autres pensaient qu’elle avait assez d’énergie pour exercer un grand empire sur elle-même. Peut-être se formaient-ils cette opinion en observant le caractère de sa physionomie et l’harmonie générale de ses traits : la ligne fine, mais si fermement accentuée de son sourcil presque horizontal, son front large qui se rétrécissait vers les tempes pour allonger l’ovale du visage, et surtout la flamme brillante et froide qui animait ses prunelles brunes, un peu rapprochées de la naissance du nez.

La vérité, c’est que l’inébranlable sécurité de la jeune femme se fondait sur la haute estime qu’elle avait d’elle-même et de ceux qui disposaient de son sort. Toutes les garanties étaient en sa faveur et elle le sentait fortement, si elle n’y réfléchissait point : la loi, la religion, le monde, sa richesse, son éducation, sa beauté, son obéissance même ; car en acceptant le choix fait par ses parents, elle se croyait certaine de ne se donner qu’à un homme digne d’elle, c’est-à-dire possédant un ensemble de qualités qu’elle n’analysait pas, mais qui n’en était pas moins