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CHAPITRE III.

rière, en haut et en bas ; cependant il ne s’effraya pas, quoiqu’il vit bien qu’il ne pourrait s’échapper de ce lieu, et qu’il lui fallait combattre l’un des plus terribles de ces étranges chevaliers.

Burgifer et Richard s’élancèrent l’un vers l’autre ; ils se donnaient de si grands coups, que des étincelles jaillissaient de leurs armes ; bientôt même les tronçons de leurs lances volèrent au loin.

Leurs deux lames ont rompues, leurs espées sacherent,
Sur leurs heaulmes dascier si longuement chappelerent
Que de grans coups ferir leurs bras forment lasserent[1].

Burgifer interrompit le combat. « En vérité, Sire, je suis tout ébahi que vous ayez été assez hardi ou assez fou pour vous être laissé conduire en cet endroit ; nul homme n’y est jamais venu sans y perdre la vie ; vous la perdrez aussi, je vous le promets. — Ami, je ne te crains point, fais du pire que pourras. — Écoutez-moi encore un peu, reprit Burgifer : savez-vous quel est le chevalier pour lequel vous combattez. — Je le connais assez ; c’est un homme vaillant et hardi, puissant et fort ; il n’y a pas trois jours que j’ai vu de ses œuvres, et je crois bien que sans lui la mort ne m’aurait pas épargné. — Tu es dans une erreur bien folle. Celui que tu crois un chevalier si vaillant est un diable d’enfer, et ce sont des diables que tu vois de toutes parts autour de toi. — Ne mens-tu pas ? dit Richard. — Non point, fit Burgifer. » Et il se prit à rappeler au duc toutes les embûches que Brundemor lui avait tendues, puis il ajouta : « La femme que vous aviez épousée, Sire duc, n’est autre que ce vilain diable pour lequel vous combattez contre moi. — Par ma foi, dit Richard, voici un démon qui sait bien toutes mes aventures. » Puis il reprit tout haut : « Qu’importe, après tout ; si Brundemor est le faux diable dont j’avais fait ma femme, il m’a vaillamment aidé à défendre mon hé-

  1. Roman de Richart.