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RICHARD SANS-PEUR.

dit-il, secouez le sommeil, et apprêtez-vous à me suivre si vous ne voulez passer pour couart et menteur.

— Couart, se dit Richart, et pourquoy le seroie ?[1]

« Mais je serais méchant et félon si je vous faillissais au besoin, car au besoin vous m’avez été d’un grand secours. » Aussitôt Richard se leva, et se revêtit de son armure. « Partons, s’écria-t-il, car je ne crains ni guerre ni défi. — Sire, je vous mènerai avant qu’il soit jour dans un lieu où vous pourrez avoir peur. — Bel ami, sache que je n’eus peur de ma vie. »

Richard et le chevalier noir s’en allèrent ensemble dans une forêt où ils trouvèrent douze chevaliers qui noblement s’atournaient pour livrer bataille. Richard demanda à son compagnon qui ils étaient. « Sire, dit celui-ci pour toute réponse, avant qu’il soit grand jour,

« Aures par eulx ie croy paour et grant effroy[2]. »

Comme ils devisaient de la sorte, un varlet se détacha du groupe des chevaliers, accourut vers les nouveaux arrivants, et s’écria : « Brundemor, pourquoi as-tu tant tardé à amener le chevalier qui devait livrer bataille pour toi ; Burgifer, ton adversaire, est arrivé ; tu l’as provoqué à tort, mais je te certifie que ton champion, si brave qu’il soit, aura fort à souffrir. » Brundemor, entendant ces paroles, alla se présenter devant le roi d’enfer, à qui il adressa ainsi sa supplique : « Sire, je suis prêt à prouver que c’est à tort que Burgifer veut m’enlever la sénéchaussée dont vous m’avez fait présent, et j’ai amené avec moi un chevalier de France qui soutiendra mon droit si vous ordonnez le combat. — Allez, dit le roi, je vous délivre permission. » Richard prépara aussitôt ses armes, mais, jetant un regard autour de lui, il s’aperçut qu’il était entouré de tous côtés ; car il y avait des diables par devant et par der-

  1. Roman de Richart.
  2. Roman de Richart.