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CHAPITRE XXIV.

de force avec eux. Olive, épouvantée du danger qui la menaçait, fit vœu de bâtir une église si Dieu la préservait de tomber entre les mains des Infidèles. Aussitôt il s’éleva une tempête qui rejeta bien loin en pleine mer les barques des Sarrasins. Dès-lors, la pieuse femme ne songea plus qu’à réaliser son vœu ; mais elle y trouva de grands empêchements. L’église avait été commencée au centre de la paroisse, dans le fief des Vergés ; à peine s’élevait-elle sur ses fondements, que le diable la transporta au pied de la côte Saint-Clair. On essaya d’abord de résister à la malfaisance de Satan ; on revint au premier emplacement ; mais, chaque nuit, l’ouvrage du jour précédent se trouvait de nouveau déplacé. Après quelques tentatives infructueuses, Olive ne jugea pas à propos de lutter d’opiniâtreté avec le malin esprit. La bonne renommée de la pieuse femme ne perdit rien à cette humble soumission, et les habitants d’Étretat y gagnent de témoigner plus de zèle religieux, lorsque, sans tenir compte de la distance, ils se rendent avec exactitude aux saints offices[1].

Une mésaventure toute semblable arriva aux habitants de la paroisse de Saint-Sylvestre de Cormeilles, lorsqu’ils voulurent se construire une nouvelle église, outre celle qu’ils possédaient déjà, et qui était située dans le voisinage du monastère de Saint-Pierre de Cormeilles : chaque nuit disparaissaient les pans de muraille que l’on avait construits le jour précédent. Il paraît que, dans cette circonstance, le diable se serait fait le compère des moines, qui ne se souciaient nullement de desservir à la fois deux églises, dont une devait être placée sur un point assez éloigné du couvent. On peut penser, en effet, que, dans toutes les occasions où des intérêts de localité se trouvaient en jeu, à défaut d’autres entremetteurs, on employait le diable à certains rôles complaisants qui font maintenant partie des attributions des éligibles de toutes classes : conseillers municipaux, ou députés de l’une ou de l’autre fraction.

  1. La Normandie pittoresque, canton de Criquetot, p. 20.