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LÉGENDES MERVEILLEUES.

sous lequel elle est demeurée depuis en grande renommée[1].

La morale concluante de tous les contes de cette espèce, c’est, il nous semble, qu’il ne faut pas trop s’effrayer du diable, si noir et si méchant qu’il soit. Un peu de ruse, beaucoup d’audace, ou plutôt cette paisible insouciance, qui n’est souvent, au fond, qu’une foi vive en la protection du ciel : en voilà assez pour déjouer bien des complots haineux et de perfides machinations.


le cimetière saint-germain.


Un lieu célèbre pour être hanté par le diable, c’est le cimetière dépendant de l’ancienne léproserie de Saint-Germain de Pont-Audemer. Il a été, de tout temps, le théâtre des plus sinistres apparitions, dont chacun dans le pays vous racontera les incidens, avec des variantes interminables. Si vous avez quelques doutes sur la réalité de ces étranges aventures, prenez garde d’être puni de votre incrédulité comme le fut certain villageois qui, un jour de grande fête patronale, s’était permis nombre de plaisanteries ironiques sur le diable de Saint-Germain. L’esprit maudit, pour se venger, attendit notre homme au passage, se saisit de lui, l’enleva dans les airs, et, lorsqu’il jugea que la hauteur était suffisante, il le laissa retomber à plat, tout en le raillant à son tour par un rire faux et méchant. Après une telle mésaventure, la témérité orgueilleuse du jeune fou ne fut plus qu’une histoire de ballon crevé, qui prêta à moquerie aux uns et fit frémir les autres. Sans doute, notre imprudent avait négligé d’invoquer la protection de saint Gilles. Ce saint, qui avait une chapelle consacrée en son honneur dans l’église de l’abbaye, exerçait en ce lieu un patronage très salutaire. Non-seulement, il

  1. Pierre des Vignes : Fragment d’un Voyage en blouse ; (Revue du Calvados, juin 1843.)