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LÉGENDES ROMANESQUES.

l’ombre obstinée de son amant ne cessa pas de l’y poursuivre ; si bien que la noble dame se vit contrainte, encore une fois, d’abandonner sa demeure seigneuriale. Depuis ce temps, le Manoir-Fauvel est demeuré vide et inhabité ; seulement, naguère encore, on y entendait l’esprit inconsolable du fantôme royal mêler ses soupirs plaintifs et ses lamentations prolongées aux bruissements de l’ouragan, dont les ailes impétueuses se débattent avec tant de violence au milieu des larges ombrages de la forêt[1].


la chambre des demoiselles.


À gauche du village d’Étretat, au sommet de la falaise, on distingue trois pointes de rocher s’élevant vers le ciel. Entre ces trois flèches se trouve une espèce de plate-forme, de laquelle on domine le village et le bord de la mer à une hauteur effrayante. Cette plate-forme doit au souvenir d’un crime odieux le surnom de Chambre des Demoiselles.

Le village d’Étretat était, autrefois, le domaine des chevaliers de Fréfossé. Un des seigneurs de cette maison se fit une honteuse renommée par la licence de ses passions, qui ne respectaient la vertu d’aucune femme. Il se trouvait alors à Étretat trois jeunes sœurs, sages autant que belles, et modestes autant que fières.

Le chevalier de Fréfossé, les ayant aperçues à l’église, rêva une triple conquête, et, au sortir de la messe, il les fit arrêter et conduire dans son château. Mais, ni les menaces, ni même les prières du ravisseur, n’eurent d’autorité sur ses prisonnières ; elles repoussèrent, avec mépris, l’insultant hommage qui s’attaquait à leur vertu. Furieux d’être déçu dans son coupable espoir, Fréfossé résolut, au moins, de savourer une cruelle vengeance : par ses ordres, les trois

  1. A. Canel, La Dame du Manoir-Fauvel ; Revue trimestrielle du départ. de l’Eure, année 1835, première partie, p. 133. Nous avons modifié le récit de cette tradition, à l’aide de nouveaux renseignements dont nous sommes encore redevable à l’obligeance de M. Canel.