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CHAPITRE XXIII.

normand usa si largement de supplications, de ruse et d’argent, que, bon gré mal gré, les limousins furent obligés de se dessaisir de la cage sacrée, qui prit enfin le chemin de la Normandie, et fut déposée dans l’abbaye du Breuil, dont elle devint le plus précieux ornement[1].

On raconte encore, en d’autres localités de la Normandie, une histoire absolument semblable à celle du sire de Bacqueville. Le héros de ce nouveau récit concordanciel est un seigneur Gilbert de Lomblon, aïeul par les femmes de l’évêque Matthieu des Essarts, et qui avait accompagné saint Louis dans son premier voyage en Terre sainte. Le lieu habité par le seigneur Gilbert, où il fut aussi miraculeusement ramené, était la Poultière, proche de Breteuil[2].


le château de bardouville.


Bardouville est situé au pied d’une colline, dont le sommet est couronné par un ancien château. Là, vivait autrefois, triste et soupirante, une noble dame qui avait été contrainte d’accorder sa main au seigneur châtelain, tandis que son cœur appartenait à un autre chevalier. Son amant, frustré dans ses rêves de bonheur, avait résolu d’ensevelir ses regrets entre les murs d’un couvent : il fit choix de l’abbaye de Saint-Georges, située sur la rive opposée de la Seine. Mais, dans ce lieu, où il respirait le même air que sa bien-aimée, chaque souffle vivifiant lui apportait une émanation d’amour. Cependant, quelque temps après son entrée au couvent, et lorsqu’il avait complètement renoncé à toute espérance, le triste reclus fut promu au rang d’abbé. Cette dignité le mit en relation avec les nobles familles du pays d’alentour : il eut ainsi l’occasion de se rencontrer avec la dame de ses pensées. Hélas ! l’entrevue fut bien fatale à tous deux ; car, depuis

  1. Le chevalier Masson de Saint-Amand, Essais hist. et anecd. sur l’ancien comté d’Évreux ; prem. partie, p. 144, notes.
  2. Idem, ibid., deuxième partie, p. 62.