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LÉGENDES ROMANESQUES.

Cependant, les hauts faits d’armes du sire de Bacqueville ne se bornèrent pas à la campagne de Hongrie. Nommé garde-oriflamme de France, le 28 mars 1414, Guillaume Martel ne mourut point paisiblement dans ses foyers, comme l’ont avancé quelques chroniqueurs, mais il périt sur le champ de bataille d’Azincourt, en défendant l’antique et sainte bannière « qui luy avoit esté baillée, dit un historien, comme au plus brave et au plus preudhomme qui feust oncques parmi les chevalliers[1]. »

Un seigneur des environs de Nonancourt et d’Ivry fut aussi transporté miraculeusement en France des prisons de Turquie. Mais ce trajet s’accomplit par un moyen de locomotion si étrange que son invention fait le plus grand honneur à la piquante originalité de la sainte qui s’était instituée la protectrice du pauvre prisonnier. Cette gracieuse patronne renferma son protégé, pendant qu’il sommeillait, dans une cage en bois, bien coquettement travaillée, et pourvue de toutes les confortabilités que réclame le voyage ; puis, elle fit traverser l’Europe à ce wagon modèle, en moins de vingt-quatre heures. Arrivée à Limoges, la céleste conductrice se lassa de son emploi ; elle réveilla l’heureux dormeur et l’abandonna à ses propres forces pour retourner en Normandie ; seulement, elle lui laissa, à titre de souvenir, la merveilleuse voiture, devenue désormais inutile. Mais, par malheur, le chevalier n’était pas de taille à porter sa cage sur son dos ; il fut obligé de la laisser à Limoges. Plus tard, lorsqu’il fut revenu dans son pays, et qu’il eut fait bâtir l’abbaye du Breuil en reconnaissance du miracle dont il avait été l’objet, il eut à cœur de reprendre possession du cher présent de sa patronne. Or, les habitants de Limoges s’accommodaient fort bien de conserver un gage si rare de la puissance céleste, trouvant que leur ville y gagnait quelque chose en pieuse renommée. La réclamation du chevalier souleva donc un grand débat ; mais notre

  1. Auguste Guilmeth, ibid., p. 67.