Page:Bosquet - La Normandie romanesque.djvu/462

Cette page a été validée par deux contributeurs.
429
LÉGENDES HISTORIQUES.

pas Caen, que l’Historia Britonum de Geoffroy de Monmouth, avait indiquée comme la ville dont l’érection remontait à Kaïus. Mais le fait historique qui va suivre contredit formellement les arguments du savant antiquaire, en nous offrant la preuve que la fable, dont nous nous occupons, jouissait, au moyen-âge, d’une assez grande popularité, pour qu’il ne pût s’établir aucune erreur ni se former aucune incertitude relativement à la ville que cette fable concernait. La Chronique du Chanoine anonyme de Laon, imprimée dans le tome xiii des Historiens de France, nous apprend que, lors du couronnement de Philippe-Auguste, en 1179, Henri au Court-Mantel, fils de Henri ii, roi d’Angleterre, rendit hommage, en sa qualité de duc de Normandie, à l’héritier du trône de France, porta la couronne du nouveau roi, et réclama, dans la cérémonie, l’office de sénéchal, ou dapifer, aux droits du comte d’Anjou Kaïus, fondateur de la ville de Caen[1]. »

Il n’est pas besoin de faire observer à nos lecteurs que cette tradition sur l’origine de Caen, tout accréditée qu’elle ait été pendant le moyen-âge, est complètement dépourvue de valeur historique. En conséquence, elle ne saurait contredire les indices très plausibles qui ont déterminé l’abbé De la Rue à considérer Caen comme une fondation saxonne. L’ancien nom de cette ville : Cathim, Cathem, ou Cathom, indique suffisamment l’origine qui lui est attribuée ici. D’ailleurs, les premières irruptions des Saxons sur les côtes de la Gaule septentrionale, commencèrent dès l’année 286, et, suivant l’historien Procope, les derniers établissements de ces peuples ne finirent que vers l’année 550. Dans la Notice de l’empire, écrite sous Honorius et Arcadius, toute la partie du littoral qui avoisine Caen, est appelée le rivage saxon, littus saxonicum[2].

  1. M. G. Mancel, Sur la tradition du moyen-âge, qui attribue la fondation de Caen à Kaïus, sénéchal du roi Arthur, p. 9.
  2. Essai historique sur la ville de Caen, par l’abbé De la Rue, chapitres i et ii, p. 17 et suivantes.