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MIRACLES EMBLÉMATIQUES.

mon, et, touchés des maux qu’enduraient les commerçants et les voyageurs, ils se prirent en prière pour demander à Dieu de délivrer le pays d’un tel fléau. Ensuite, saint Nicaise, accompagné du prêtre Quirinus et du diacre Scuvicule, se dirigea vers la caverne, et, se tenant à l’entrée, parla ainsi au diable : « Je t’adjure méchant démon, toi qui te caches dans cet antre pour surprendre les ames des hommes et tourmenter leur corps, je t’adjure, par l’ineffable nom de la sainte et indivisible Trinité, et par la toute-puissance de N.-S. Jésus-Christ, qui te condamna ainsi que Satan, ton père, à vivre éternellement dans l’horrible enfer, je t’adjure de sortir de ce lieu, sans porter plus loin ton infernale malice. Laisse tout accès libre aux hommes pour lesquels Jésus-Christ répandit son précieux sang, et prépare-toi à retourner promptement dans les flammes éternelles de l’enfer. Si tu méprises ma voix comme celle d’un homme, redoute la toute-puissance de celui sous lequel tremblent les anges du Christ, fils du Dieu vivant qui règne dans les siècles des siècles. » À cette voix, le démon se mit à rugir et à se débattre dans son antre. Au milieu de ses gémissements et de ses hurlements féroces, il se demandait ce qu’il ferait, par où il pourrait fuir ? Il n’osait sortir par l’entrée où se tenaient saint Nicaise et ses compagnons, et l’ordre de Dieu était si pressant, qu’il lui fallait promptement abandonner son repaire. Enfin, prenant conseil de son infernal génie, il s’ouvrit un chemin à travers la voûte de la caverne, et s’échappa par le haut de la montagne, comme par un puits. Dès-lors, on ne le vit jamais reparaître : ce qui montre la grande puissance de Dieu et des saints[1]. »

Ce n’est point de quelque prodigieux dragon, mais seulement d’un loup cruel et dévorant, que saint Loup, évêque de Bayeux, au commencement du cinquième siècle, délivra cette

  1. Extrait d’un ms. de la Bibl. d’Évreux, ayant pour titre : Legenda sanctorum de Ecclesia beate Marie Ebroicensis, du xiie siècle, in-fol. Communiqué par M. A. Chassan, conservateur de la biblioth. d’Évreux.