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MIRACLES EMBLÉMATIQUES.

date de l’année 962, sous Richard I, duc de Normandie, c’est-à-dire plus de trois cents ans après le fait merveilleux de la prise du dragon[1]. D’ailleurs, la noyade judiciaire n’eût pas été un supplice très dangereux pour notre Gargouille, si, comme il est dit ailleurs, elle faisait maintes promenades au milieu du fleuve, durant lesquelles ses évolutions occasionnaient parfois la perte de plusieurs bateaux ou navires[2].

Les diverses légendes normandes, que l’on peut rapprocher de celle de saint Romain, sont les légendes de saint Nicaise, de saint Vigor, de saint Loup, de saint Samson.

Saint Nicaise, qui porte le titre d’évêque, est considéré. comme le premier prélat de l’église de Rouen. Tandis qu’il se rendait dans cette ville, qu’il espérait convertir, il lui arriva de faire plusieurs stations sur la route, afin de semer quelques germes de la foi chrétienne dans le pays qu’il parcourait. Il s’arrêta, entr’autres lieux, au village de Vaux, où, par la destruction d’un dragon prodigieux, il gagna un si grand nombre d’infidèles à la religion, qu’il dut en baptiser trois cent dix huit pour une seule journée, dans une fontaine qui porta depuis le nom de Fontaine Saint-Nicaise. Le fervent apôtre était accompagné, dans ses excursions, de deux autres saints personnages, qui partageaient les travaux de sa mission : Quirin et Scuvicule. Ces trois apôtres, parvenus au lieu appelé la Rocheguyon, furent arrêtés par l’ordre de Sisinnius Fescenninus. Après un interrogatoire, tel qu’on les faisait subir alors aux chrétiens, où le juge n’apportait, en présence des accusés, que des sentiments de colère et de dérision, saint Nicaise et ses deux compagnons furent condamnés à avoir la tête tranchée. Leur supplice eut lieu sur le bord de la rivière d’Epte, à l’endroit où est situé maintenant le bourg de Gany ; on y

  1. A. Deville, Notice sur l’ancien Pont de Rouen.
  2. Récit du miracle de la Gargouille, contenu dans les lettres-patentes de 1512, par lesquelles le roi Louis XII confirma le privilège de la Fierte. (Cité par Floquet, Histoire du Privilège de Saint-Romain, t. I, p. 15.)