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LÉGENDES RELIGIEUSES.

défendues. Avant d’employer la force pour réduire tant d’orgueil, le roi, par un message plein de tendresse, tenta de ressusciter le sentiment filial dans ces cœurs endurcis ; mais les fils de Clovis ne daignèrent même pas répondre aux messagers de leur père. Le roi s’avança alors avec sa troupe, et, quoique celle-ci ne fût composée que d’un petit nombre d’hommes, elle mit les révoltés en fuite, comme si tout ce grand appareil de guerre n’eût été que l’obstacle fragile d’une mutinerie d’enfants. Les fils de Clovis ayant été faits prisonniers, on les amena les mains liées en présence du roi. La reine Bathilde était venue rejoindre son époux, et tous deux délibérèrent ensemble sur le châtiment qu’il serait convenable d’infliger à leurs enfants ; les seigneurs dont ils réclamaient l’avis se récusaient, à cet égard, parce qu’ils ne se reconnaissaient pas le droit de prononcer sur le sort de leurs souverains. Quand la sainte reine vit que les seigneurs ne consentiraient point à condamner les princes ses fils, mue par une inspiration divine, elle se leva et dit, en s’adressant à tous ceux qui étaient présents : « Il convient que chascun porte la paine de son péché, soit en ce monde ou en l’austre. Et pour ce que les paines de ce monde sont plus petites que celles de l’austre, et aussy affin que les aultres filz de roy ilz prenent exemple, et ce chastient de voulloir entreprandre si grand cryme contre père et mère. Et pour ce mesmes qu’ilz renyoient leur père, oyans tous, moy juge, ilz perderont à tousiours l’héritaige, telle qu’ilz debveroient avoir au royaulme. Et pour ce qu’ilz portèrent armes contre leur père, je juge qu’ilz perderont la force et la vertu du corps. » Le roi confirma le jugement de Bathilde ; on amena, sur l’heure, les deux enfants, auxquels on fit brûler les jarrets, en présence de toute l’assemblée ; mais, tandis que leurs membres étaient torturés, le repentir pénétrait dans leurs cœurs ; ils abandonnaient sans murmure leurs corps aux supplices, dans l’espoir de racheter leurs âmes des châtiments éternels. Depuis ce jour, ils se consacrèrent entièrement à la prière et aux bonnes œuvres.