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CHAPITRE XVII.

désir d’entreprendre un pèlerinage en Terre sainte. Après avoir mûri sa résolution, il fit assembler les princes et les barons de son domaine, et les consulta sur la formation du gouvernement qui devait régir le royaume pendant son absence. Les barons, songeant avec inquiétude aux dangers qui menaçaient le roi, dans l’entreprise d’un voyage aussi périlleux, lui insinuèrent qu’il serait à propos de couronner roi son fils aîné, affin qu’il gardast la terre et le royaulme par le bon consceil de la saincte royne sa mère. Le roi consentit à satisfaire le vœu général, puis se mit en route pour le pèlerinage que sa ferveur le pressait d’accomplir. La reine, délaissée de son soutien naturel, ne cessait d’implorer l’assistance du Seigneur, par jeûnes, aumônes et prières. D’abord, son cœur eut lieu de se réjouir, tant de la prospérité du royaume que de la pieuse soumission de ses enfants ; mais cette tranquillité ne fut pas de longue durée : « Ainssy advinst que, par l’admonestement de nostre ancien ennemy, que son aisné fils qui tenoit le royaulme, chèust en cy grant orgueil que le consceil de sa saincte mère la royne, qu’il avoit par avent creiur et garder, il desprisa en telle manière que toutes les choses qu’elle disposoit estre faictes, il faisoit le contraire, et tant admonesta son frère mineur qui, encores, se tenoit au consceil de sa mère, qu’il le fist accorder à sa voullanté. »

Persuadée que la révolte de ses fils entraînait la ruine du royaume, Bathilde envoya un messager à son époux, afin de lui donner connaissance des tourments dont elle était assaillie. Le roi avait alors accompli son pèlerinage près du saint Sépulcre ; il prit l’avis des seigneurs qui l’accompagnaient, et résolut de retourner au plutôt en France. Cependant, la nouvelle de sa prochaine arrivée parvint assez promptement à ses enfants, pour qu’ils eussent le temps de se mettre en défense contre lui. « Les Françoys furent tous avecques eulx, les ungs à force, les aultres pour les grandz dons qu’ilz leur donnoient. » Des hommes d’armes furent distribués dans les villes et les châteaux. Tous les passages furent gardés, toutes les portes