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CHAPITRE XVII.

celle de Saint-Wandrille était animée le plus fervemment par l’esprit de défense et de conservation.

Nous allons citer, d’après un cartulaire de l’abbaye de Saint-Wandrille de Marcoussis, quelques-unes des punitions miraculeuses encourues par les malfaiteurs, molesteurs et perturbateurs de l’abbaye, de ses membres et dépendances[1].

Dans la quatrième année de l’abbatiat de saint Wandrille, le zélé fondateur alla, avec plusieurs de ses religieux, travailler au défrichement du terrain qui entourait la fontaine de Caillouville. Là, se trouva, par rencontre, un nommé Becto, verdier des forêts du roi. Cet homme était rempli d’envie et de colère, parce que le bois de Jumiéges avait été soustrait à sa surveillance, lors de la donation que le roi en avait faite à l’abbaye de Fontenelle. La vue de saint Wandrille irritant la fureur de Becto, il s’avança, la lance levée, sur le vénérable prêtre. Mais le criminel fut arrêté dans son odieux dessein. car le bras droit, dont il se préparait à frapper, perdit subitement toute sa force ; sa main impuissante laissa échapper l’arme meurtrière, et lui-même tomba à la renverse aux pieds de saint Wandrille, ou il demeura paralysé par l’influence du démon qui s’était emparé de lui. Le charitable abbé ne voulut point abandonner ce malheureux dans une situation aussi douloureuse ; il le veilla tout le jour et la nuit suivante. Cependant, son état ne parut pas s’améliorer. Alors saint Wandrille résolut de fléchir la miséricorde divine, et telle fut l’efficacité de cette intercession, que, à peine eut-il achevé une courte prière, Becto recouvra une santé parfaite. L’église de Caillouville fut la pieuse offrande adressée au Seigneur par saint Wandrille, en mémoire de la protection spéciale dont il avait été favorisé en cette circonstance.

  1. Brieſve chronique de l’abbaye de Saint-Wandrille, publiée, pour la première fois, d’après le cartulaire de Saint-Wandrille de Marcoussis, ms. du xvie siècle, de la Bibliothèque de Rouen, par M. A. Pottier, Revue rétrospective normande, Rouen, 1842.