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LÉGENDES RELIGIEUSES.

avisa une retraite propice dans un bois faisant partie du désert de Jumiéges, et appelé Rothmar, ou Rothmari[1]. Ce bois s’étendait non loin de la rive droite de la Seine, à sept lieues de Rouen. Sous ses ombrages profonds, saint Wandrille rencontra un beau vallon, arrosé par une fontaine abondante. Reconnaissant de cette heureuse découverte, il en rendit grâce à Dieu. Puis, avec l’aide de son neveu Godon, il acheta cette vallée à Archambaud, qui la possédait alors, et l’avait obtenue en échange de quelques terres, situées dans le Vexin, qu’il avait données à Airamne, fils de Rothmare, premier possesseur de Fontenelle ; saint Wandrille et Godon, son neveu, se hâtèrent de défricher le terrain de la vallée, et, en peu de temps, ils y bâtirent quatre églises, placées sous le patronage de saint Pierre, de saint Paul, de saint Laurent et de saint Pancrace[2].

Après avoir groupé, dans ce lieu naguère désert et sauvage, ces monuments de salut, saint Wandrille entreprit le voyage de Rome, à l’effet d’obtenir du pape Martin quelques saintes reliques, dont il pût composer le pieux trésor de son monastère. Cette demande eut un plein succès. De plus, le pape, voulant favoriser l’abbaye de Fontenelle d’une protection spéciale, renouvela, particulièrement contre ceux qui se rendraient coupables de quelque attentat à l’égard des personnes, ou seulement des biens de ce monastère, les terribles anathèmes que saint Sylvestre et d’autres papes encore avaient fulminés contre les persécuteurs et les spoliateurs de l’Église.

Ces anathèmes eurent des conséquences non moins terribles que merveilleuses, si nous en croyons l’historique de Fontenelle ; car toutes les relations, qui se rapportent à cette abbaye, semblent avoir pour conclusion morale de prouver son inviolabilité. En sorte que ce trait caractéristique qui les distingue donnerait à penser que, entre toutes les autres communautés,

  1. Le nom de la forêt de Roumare paraît se rattacher à cette étymologie.
  2. Le Trisergon de l’abbaye de Fontenelle en Normandie, par dom Alexis Bréard, manusc. du xviie siècle ; Biblioth. de Rouen, mss. Y, 110.