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POSSESSIONS.

fauteurs à ces troubles extravagants, à ces désordres sacrilèges, qui bouleversaient la communauté. Les religieuses avaient à cœur de sauver leur réputation compromise ; il ne suffisait pas de rejeter tout le mal sur Satan : c’est une mauvaise tactique que de s’en prendre uniquement à un coupable qui échappe à toutes les confrontations, à tous les témoignages. Le diable, ici-bas, ne manque pas de truchements, et la réhabilitation devait être plus complète et plus sûre, si l’on pouvait en découvrir quelques-uns, et les livrer en pâture au scandale, en holocauste à la justice.

Madeleine venait s’offrir d’elle-même, comme une proie facile ; la calomnie n’hésita point à s’en saisir. Le lendemain de la fatale réplique, cinq religieuses parurent visiblement possédées, résultat triomphant de l’exhortation du père Esprit, et dont le dangereux honneur fut entièrement rapporté à Madeleine. Tout le couvent fut convaincu, en effet, que c’était la menace de cette fille qui avait attiré ces nouveaux désastres. On se ressouvint que, il y avait à peine un an, elle avait demandé des secours contre les diables qui la battaient dans sa cellule, parce qu’elle ne voulait pas consentir, disait-elle, à leurs desseins. On en conclut qu’elle devait avoir contracté une alliance intime avec eux, pour qu’ils fussent ainsi en droit de punir ou de récompenser sa fidélité plus ou moins parfaite. De ce moment, non seulement Madeleine entra en suspicion et fut signalée aux inquisitions de ses supérieurs, mais on ne se contraignit point pour l’accuser ouvertement. Les exorcismes commencèrent sous la direction de Monseigneur de Péricard, et, dès le premier jour, les démons, par l’organe des religieuses possédées, s’écrièrent tout d’une voix que la cause de leur envoi dans ce monastère était la magicienne Madeleine Bavent. On fit venir l’accusée dans le lieu des exorcismes, et trois des principaux diables : Léviathan, Encitif, Dagon, l’accueillirent avec toutes sortes d’acclamations, lui rappelèrent quelques-uns des services qu’elle leur avait rendus ; les tentatives qu’elle avait mises en usage pour parvenir à séduire ses compagnes, comme