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CHAPITRE XVI.

très élevés de la religion, sur le perfectionnement intérieur, sur la soumission et la fidélité à la volonté divine, sur l’essence de Dieu et celle des anges. Malgré leur nature abstraite, ces entretiens, complaisamment reproduits par la religieuse qui s’en prétendait favorisée, sont empreints d’une sensualité mystique qui explique assez comment une imagination de femme se laissait égarer dans ces étranges rêveries. Ainsi, la controverse établie entre l’ange et la religieuse se terminait d’ordinaire par un long débat dont voici le sujet et la conclusion : La religieuse, craignant, disait-elle, d’être la dupe d’un stratagème du démon, suppliait l’ange de lui accorder la permission de confier, à ses supérieurs, la faveur signalée dont elle était l’objet. L’ange, au contraire, exigeait qu’un silence absolu tînt ses visites secrètes. Mais, pour écarter les scrupules de la sœur et fortifier son courage, il la soumettait à une épreuve mystérieuse, en lui posant, d’autorité, la main sur le cœur. Alors toute contradiction se taisait dans l’ame de la religieuse, et se trouvait subitement remplacée par les purs ravissements et l’ineffable extase d’un amour céleste. Ces prétendues apparitions se renouvelèrent pendant quinze jours, jusqu’au moment où la religieuse dévoila ce mystère au père confesseur. Depuis, dit-elle, l’ange ne reparut plus qu’en démon, et pour la tourmenter.

Les divagations d’esprit de nos visionnaires se jouaient déjà sacrilégement des choses les plus dignes d’un humble respect. Et cependant, ces rêves de femmes solitaires et recluses, tout insensés et coupables qu’ils étaient, obtiendraient encore une rémission indulgente, sans les hideux mensonges et les turpitudes grossières qui en ont été la suite, sans la catastrophe sanglante qu’ils ont su provoquer.

Ce n’était pas assez que de confesser des visions semblables à celles que nous avons racontées, et de les entretenir dans son esprit ; il fallait, de plus, par quelques signes visibles, manifester au-dehors ces étranges mystères. Déjà plusieurs religieuses paraissaient tourmentées par une force inconnue