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CHAPITRE XIII.

vertu, qu’il faudrait craindre de laisser s’évaporer. La pénitente, alors, se couche sur le sol, et son ame délaissant son corps va flamboyer à travers champs. Pauvre ame ambitieuse et égarée, qui a voulu substituer sa propre idolâtrie à l’adoration de Dieu, elle devient maintenant le jouet de ces mille puissances indéfinies de la nature, qui s’agitent sans obstacles au sein de l’espace et de la nuit. Ici, ce sont les vents arides de l’hiver qui s’attaquent à la mutine fourolle, l’excitent, la combattent, tordent et déchirent impitoyablement ses jets lumineux sous un souffle vif et tranchant ; ailleurs, c’est une eau miroitante, à demi cachée par les glaïeuls de la prairie, et qui offre à la crédule fourolle un mirage séduisant, vers lequel elle se laisse entraîner et défaillir. Enfin, la pauvre fourolle ne rencontre de toutes parts sur sa route qu’obstacles et déceptions. Si un voyageur vient à passer, elle s’élance après lui, saute sur la croupe de son cheval, fait mille innocentes agaceries au cavalier ; puis s’échappe bientôt, rebutée elle-même de l’insignifiance de ses folâtreries ; car, soit impuissance, soit pitié, il est bien rare qu’elle se donne le triste plaisir d’entraîner le voyageur dans des précipices. D’ailleurs, celui-ci perd-il patience le premier, il lui suffit, pour se débarrasser de la fourolle, de planter son bâton en terre, et de fixer au bout la persécutrice qui se résigne à ne pas l’importuner davantage.

La pénitence de la fourolle doit durer sept ans ; encore, en certains cas, le renouvellement en devient-il obligatoire. Il paraît qu’une ombre vacille au milieu de la clarté que répand la fourolle. Si une personne mal-intentionnée parvient à percer cette ombre avec une pointe de fer, la fourolle reprend sa forme humaine, et, dès-lors, est tenue de recommencer sa pénitence. Il en serait de même si, par hasard ou par suite d’un soupçon, on venait à prononcer devant la fourolle son nom de femme[1].

Un charmant village de la Normandie : Charleval, doit son origine à l’apparition d’un feu-follet. Papyre Masson, dans son

  1. Notes communiquées par M. A. Canel.