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LOUPS-GAROUS.

muets témoignages de la douleur des fidèles. On imagine sans peine quelle impression sinistre résultait de la solennité de ces anathèmes : le coupable, abandonné au trouble de ses remords, aux vertiges de son désespoir, provoquait l’accomplissement des menaces dont il venait d’être l’objet. La violence de ses tourments intérieurs lui faisait croire qu’il était déjà devenu la proie du démon ; et peut-être est-il arrivé que quelques-uns de ces malheureux excommuniés, par suite de leur exaltation funeste, aient contracté la monomanie des lycanthropes. La supposition que nous émettons explique, d’une manière plausible, la croyance de nos paysans. Au reste, leurs préjugés ne sont pas implacables, et la pénitence du loup-garou a son terme fixé. Elle doit durer sept ans ; cependant, il est possible de l’abréger par un effort de courage et d’adresse, que doivent tenter tous ceux qui font la rencontre du loup-garou, s’ils ont pour lui quelqu’intention charitable. Voici de quoi il s’agit : Lorsque le loup-garou se met en route, après le soleil couché, il se revêt d’une peau de loup, de chèvre ou de mouton ; cette peau s’appelle une hure. L’homme courageux qui rencontre un loup-garou ainsi affublé, marche droit à lui, et, sans hésiter, le perce au front de trois coups de couteau portés d’une main ferme. Si le sang coule, le loup-garou est sauvé ; sa délivrance est accomplie ; il retourne à son état naturel. Mais si les bienveillantes intentions du libérateur sont trompées, si les coups timides n’ont pas provoqué l’effusion du sang, si la main tremblante a manqué la place indiquée, par une recrudescence fatale, le diable reprend son empire sur le pauvre loup-garou, et il faut que la pénitence recommence à compter sept années du jour de cette malheureuse tentative. Dans quelques cantons, on prétend qu’il est de rigueur de tirer au moins trois gouttes de sang des blessures du loup-garou, et qu’il n’est condamné à courir que pendant quatre années[1].

  1. Odolant Desnos, Descript. du dép. de l’Orne.