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LOUPS-GAROUS.

semblables chimères, il fallait bien que la multitude des ignorants, non moins docile que la bande des sorciers, se soumit à son capitaine, et s’égarât résolument sur ses traces.

L’empereur Sigismond avait voulu pénétrer aussi le mystère de la lycanthropie. Les plus doctes théologiens furent chargés de débattre, en sa présence, ce qu’on devait penser sur la réalité de la transformation des hommes en loups-garous. Après que la discussion eut été éclairée par mille preuves lumineuses, il fut unanimement reconnu que la transformation des loups-garous était un fait constant et avéré, et que soutenir une opinion contraire, c’était incliner à l’hérésie, et se déclarer partisan d’une incrédulité damnable[1]. Cependant, plusieurs démonographes, moins prompts à ravaler la dignité humaine, prétendaient que la transformation des loups-garous, sinon réelle, au moins apparente, n’était qu’une fascination du démon, au moyen de laquelle il abusait à la fois les sens et la vue des témoins, ainsi que l’esprit de ceux qui s’étaient abandonnés à lui[2]. Au reste, cette dissidence importait peu ; on pouvait la considérer comme une variante très orthodoxe de l’opinion établie, puisqu’elle n’attaquait pas les faits en eux-mêmes ; qu’elle laissait les lycanthropes entachés de sorcellerie, c’est-à-dire en butte à un système d’accusations non moins intolérantes qu’absurdes. Mais, qu’était-ce encore que les opinions des démonographes, les arguments des théologiens, les rapports des témoins oculaires, le verdict des inquisiteurs et des juges ; qu’était-ce, pour établir l’évidence des faits, auprès des aveux et de la confession des accusés eux-mêmes, aveux qu’ils soutenaient avec une opiniâtreté stupide, et dans lesquels ils persévéraient jusqu’à la mort ? En proie à un délire atroce, de pauvres insensés, de misérables fous croyaient, en effet, avoir abandonné la figure humaine pour revêtir celle d’une bête sauvage ! Ils imitaient

  1. Collin de Plancy, Dictionnaire infernal, t. III, p. 492.
  2. Le Loyer, Disc. des Spectres, liv. ii, chap. 7.