Page:Bosquet - La Normandie romanesque.djvu/248

Cette page a été validée par deux contributeurs.
215
ANIMAUX FABULEUX.

La Piterne est aussi un animal fabuleux. Un des tours favoris des plus malins de nos paysans, c’est d’engager quelque crédule camarade à se mettre de planton pour la prendre.

Le Taranne est un animal qui a la forme d’un grand chien. Cette ressemblance n’indique pourtant aucune sympathie entre lui et l’espèce canine, dont il est, au contraire, le plus terrible ennemi. Pendant les nuits d’hiver, où il fait ses apparitions, le Taranne se plaît à tourmenter les chiens, à les faire crier, lorsqu’il ne va pas, ce qui arrive encore trop souvent, jusqu’à les dévorer[1].

M. Dubois affirme que le Taranne emprunte souvent des figures plus séduisantes que celle du chien, revêtant, par exemple, l’apparence d’une belle dame. D’après le même auteur, il faudrait reconnaître, dans le Taranne moderne, soumis à ces puériles déguisements, le Taranis celte, divinité formidable dont les attributs étaient identiques avec ceux du Jupiter Tonnant des Grecs et des Latins[2].

Le Chien de Monthulé, dont nous allons raconter l’histoire à nos lecteurs, nous paraît avoir été une espèce de Taranne.

On voyait autrefois à Monthulé, sur la commune de Sainte-Croix-sur-Aizier, un très beau chien, qui apparaissait à différentes heures du jour, mais surtout la nuit, et parcourait tout le voisinage sans se laisser jamais approcher. Par une contradiction qui n’est pas sans exemple, les habitants de Monthulé, ressentant une prédilection très vive pour ce bel animal, cherchaient obstinément à vaincre ses goûts d’isolement. Mais, dès qu’une main caressante s’approchait du chien, celui-ci s’échappait par de lestes gambades, qui, souvent, n’atteignaient pas à moins de vingt pieds de haut. Ce qu’il y avait de plus étrange encore, c’est que cet animal, si indifférent pour l’espèce humaine, à laquelle il ne faisait, d’ailleurs, aucun mal, était le mortel ennemi de l’espèce canine. Du moment

  1. L.-J. Chrétien, Usages, préj. et superst. de l’arrondiss. d’Argentan.
  2. L. Dubois, Recherches archéologiques, hist., etc., sur la Normandie, p. 311.