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CULTE DES ARBRES ET DES FONTAINES.

citer au premier rang, et comme la plus célèbre entre toutes, la fontaine de Sainte-Clotilde aux Andelys. C’est le 2 juin, jour de la fête de la bienheureuse patronne du lieu, que la piscine sainte est visitée, particulièrement par les malades et les infirmes. Dès la veille au soir, une multitude innombrable de pèlerins, de tout âge et de tout sexe, accourent de tous les points de la Normandie, et de plus loin encore, pour assister aux cérémonies religieuses qui précèdent l’ouverture de la fontaine, et qui doivent commencer le lendemain à la première heure du jour. Mais comme ces humbles, ces pauvres, ces souffrants ne sauraient rien avoir à démêler avec l’hospitalité mercantile des aubergistes, l’église même leur sert d’asile et de refuge pendant la nuit. C’est un spectacle curieusement insolite, en présence des dispositions plutôt railleuses qu’enthousiastes de l’esprit du siècle, que celui de cette foule entassée, accroupie, affaissée sous les ailes des anges du sommeil et de la prière, puis aiguillonnée, çà et là, par quelque démon mutin et querelleur, ennemi de la paix et du pieux silence du lieu saint.

Une circonstance du cérémonial de la fête doit être remarquée, entr’autres, comme ayant trait à un miracle opéré par la bienheureuse protectrice du lieu. Le curé des Andelys, à la tête de son clergé, se rend processionnellement auprès de la merveilleuse fontaine, et, avant d’y admettre les malades, y répand une certaine quantité de vin. Sainte Clotilde, lorsqu’elle faisait bâtir le monastère et l’église des Andelys, avait, assure-t-on, changé en vin les eaux de la source, en faveur des ouvriers altérés et épuisés par le travail[1].

Quelquefois aussi, pour détruire le culte païen, qui demeurait obstinément attaché à certaines fontaines, nos premiers évêques intimaient l’ordre d’arrêter ou de détourner le cours de ces ondes pernicieuses. Saint Éloi, dans une lettre adressée à saint Ouen, lui recommande de ne pas négliger cette pré-

  1. T. Duplessis, Description de la Haute-Normandie, t. II, p. 233.