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TRÉSORS CACHÉS.

et Henry II, voulut se faire construire, mais qu’il conçut sur un plan si gigantesque, qu’il ne put en mener à fin l’entreprise. Il y a une quarantaine d’années, ce château existait encore tel que l’avait laissé son fondateur ; mais aujourd’hui il n’en subsiste plus que deux énormes monceaux de maçonnerie, renfermant deux ou trois appartements et un bout de corridor. À l’époque où l’on construisait cette orgueilleuse demeure, le peuple, qui n’osait s’expliquer les lenteurs du travail par un motif qui parût mettre en question la puissance du noble seigneur d’Annebaut, prétendait que le diable s’était mêlé de l’entreprise, et qu’il démolissait, pendant la nuit, l’ouvrage achevé durant le jour. Bien loin de supposer que l’argent ait manqué, il répète aujourd’hui qu’un trésor a été laissé dans les fondations. Ce trésor, renfermé dans un coffre, surnage au-dessus des eaux qui ont pénétré dans les appartements inférieurs ; nul ne pourra jamais s’en emparer, car celui qui, après avoir approché du bord, tenterait de le saisir, serait entraîné au fond de l’abîme par une force surnaturelle, contre laquelle même une lutte désespérée ne saurait prévaloir[1].

Voici un autre exemple de trésors magiques, tout-à-fait différent de ceux que nous venons de citer, et qui paraît se rapprocher du merveilleux de la féerie : Il y a un champ, dans un village des environs d’Alençon, qui, à certain jour, et au lever du soleil, paraît tout couvert de pièces d’or et d’argent. Les louis d’or se cueillent à la rosée du matin, dit le proverbe ; mais ceux-ci pourtant ne sont qu’une apparence mensongère, et, quelque vigilant que soit le convoiteux, il ne pourra rien saisir, à moins qu’il ne soit muni de quelque objet béni : médaille, croix ou chapelet. En jetant cet objet dans le champ, les pièces qu’en tombant il aura touchées deviendront réelles, et pourront être recueillies par celui qui aura mis cette ruse en usage.

Dans le canton de Briquebec et en d’autres lieux, on raconte que de pauvres villageois, en marchant la nuit, ont aperçu sur

  1. A. Canel, Essai sur l’arrond. de Pont-Audemer, t. ii, p. 295.