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dants habitent encore le pays, aperçut, certain jour, l’oie suspecte perchée sur le pignon de la maison. Notre homme avait pris part à des libations assez copieuses, et son courage naturel se trouvait exalté par l’influence du gros cidre. La vue de l’oie le taquinait au point qu’il se prit à ramasser des pierres, puis à les jeter, l’une après l’autre, à la bête damnée. Celle-ci reçut cette aubaine brutale comme une pluie de dragées, ne bougea point de place, se contentant de répondre à chaque coup de pierre par une gracieuse salutation. Mais la nuit suivante, l’oie se vengea bien du mal-intentionné paysan ; elle vint, avec un petit sifflement très reconnaissable, se pelotonner sur sa poitrine, lorsqu’il s’apprêtait à dormir, et demeura dans cette position jusqu’au matin.

Il n’y a plus d’oie ni de trésor au Fourneau, depuis une quarantaine d’années. Le propriétaire du lieu parvint à savoir en quel endroit était caché le trésor, qu’il fit prudemment déterrer par sa sœur, et traîner ensuite par son vieux cheval. La sœur et le cheval sont morts dans l’année, l’oie est disparue ; si bien que le frère, comme il l’avait projeté, a pu garder la somme des richesses sans partage ni discussion.

À l’Épine-de-la-Haule, dans la commune de Bourneville, un bœuf gardait un trésor. Un homme du pays, qui cherchait à emprunter de l’argent, reçut cette réponse d’un de ses voisins : Eh ! va en demander au bœuf de la Haule, Les misérables se laissent tenter par les ressources les plus hasardeuses ; l’emprunteur, éconduit avec un mauvais conseil, se résigna à le suivre ; il s’en alla par-devant le bœuf adresser son humble supplique. Le gardien mystérieux ne fit point la sourde oreille : « Il y a six livres sous un de mes pieds, répondit-il aussitôt ; viens les chercher si tu l’oses. » Mais le ton, plutôt encore que les paroles, apprit assez à notre villageois que la tentative n’était pas bonne à faire. Depuis cette aventure, on disait proverbialement d’un emprunteur qu’on évinçait : Il s’est adressé au bœuf de la Haule. Le trésor de l’Épine-de-la-Haule a été enlevé une nuit de Noël.