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CHAPITRE VIII.

défense des Esprits, a été favorisée par son alliance avec le merveilleux de la féerie, accréditée ensuite par les idées du christianisme, qui considère les richesses et les biens de ce monde comme les pompes et le domaine de Satan, il n’est point inutile de rappeler que cette croyance est encore une de ces nombreuses superstitions qui remontent jusqu’aux dogmes de l’antiquité classique. On voit au Louvre, dans le musée des Antiques, un autel consacré à Jupiter gardien et au Génie des Trésors, par C. Julius, affranchi d’un empereur[1]. Il était d’usage, en effet, d’enterrer, avec les richesses enfouies, une petite idole chargée de leur défense et de leur conservation, et dont, sans doute, on ne pouvait violer le droit protecteur sans se rendre coupable d’un sacrilège, mais dont on tentait de désarmer le courroux par une pieuse offrande, quand le hasard vous avait départi quelque heureuse découverte.

C’est vraiment une considération curieuse, dans l’histoire des superstitions, que la persistance des préjugés qui obscurcissent l’intelligence, et pèsent sur la conscience humaine, et la persistance des passions, non moins tenace que celle des préjugés. Quelque chimériques que soient les croyances relatives aux trésors cachés, comme elles offrent à l’illusion un point d’appui matériel, qu’elles irritent d’une apparence de réalité l’ardeur d’un espoir cupide, elles ne pouvaient manquer de trouver de nombreux adeptes parmi cette population désireuse qui n’a point d’autre richesse que ses rêves ! On peut affirmer que, dans la Normandie, il n’y a pas un village, pas une ruine, pas un emplacement dont l’ancienne occupation soit démontrée par des traditions plus ou moins véridiques, où l’on ne vous indique des trésors supposés[2]. Un fait avéré donne naissance à mille contes absurdes, qui surchargent l’imagination de la multitude ignorante de fausses espérances et de vaines terreurs, et font, des rêves de sa cupidité, un cau-

  1. Visconti et Clarac, Description des Antiques, p. 120.
  2. L. Dubois, Annuaire statistique de l’Orne, 1809.