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CHAPITRE V.

cette ruine intéressante appartient à M. le prince de Broglie, héritier des D’Argouges[1].

Pirou est un ancien château de la Basse-Normandie, assis sur la côte du Cotentin, entre Coutances et Lessay. Il fut aussi habité par des fées, qui avaient subi une métamorphose singulière. Ces fées étaient filles d’un grand seigneur du pays, célèbre magicien ; elles avaient bâti le château de Pirou, bien des années avant l’invasion des Normands, et elles y passaient leurs jours ensemble dans la plus édifiante union. Troublées dans leur solitude par la descente des pirates norwégiens, et redoutant les violences de ces barbares, elles imaginèrent, pour s’y soustraire, de se transformer en oies sauvages. Il n’est que la vieillesse et l’expérience pour s’inventer d’admirables précautions[2] ! Malgré leur métamorphose, les fées de Pirou n’abandonnèrent pas leur demeure. Les anciens du pays vous confirmeront que, tous les ans, le 1er  de mars, une troupe d’oies sauvages revenaient habiter les nids qu’elles s’étaient creusés dans les murs du château de Pirou.

Vigneul Marville, à qui nous empruntons ces détails, ajoute encore : « Que lorsqu’il naissait un garçon dans l’illustre maison de Pirou, les mâles de ces oies, étalant leurs plus belles plumes

  1. Sur l’histoire de la fée d’Argouges et de Rânes, voyez : Pluquet, Contes populaires du Bessin, p. 1 et suiv. — Louis Dubois, Annuaire statistique de l’Orne, 1809. — Galeron, Rapport sur les mon. hist. de l’arrond. d’Argentan, inséré dans les Mèm. de la Soc. des Ant. de Norm., t. ix, p. 484. — L’abbé Beziers, Mém. sur la châtellenie et les seigneurs du Molley-Bacon, inséré dans le Journal de Verdun, mars 1762, réimprimé dans les Nouv. Recherches sur la France, t. i, p. 507.
  2. Suivant une autre version de cette légende, ce ne sont plus les fées qui avaient bâti le château de Pirou, mais seulement la garnison, prête à être réduite par la famine, car le château était imprenable, qui avait choisi ce moyen désespéré pour échapper aux Normands. La métamorphose s’était opérée à l’aide de livres magiques, dont les seigneurs du château étaient en possession. La science ou la mémoire firent défaut à nos magiciens, lorsqu’ils voulurent reprendre leur première forme. — Couppey, Variétés hist. (Annuaire de la Manche), 1835, p. 208 et suivantes.