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CHAPITRE V.

se saisit de l’ame éperdue, et vous soumet sans défense à une capricieuse fascination.

Les fées de nos campagnes, ces esprits qui habitent les grottes, les pierres et les bois, sont le diminutif des fées de nature divine, que nous venons de dépeindre. Elles s’en distinguent seulement par l’exiguïté de leur taille, par les transformations auxquelles est soumise leur beauté illusoire, par les folâtreries perfides qui appartiennent à leur naturel vif, capricieux et inconséquent. Les fées divines des romans sont les héritières majestueuses des Nornes ; les fées des campagnes sont les descendantes malicieuses des Elfes (esprits) et des Duergar (nains) de la mythologie du Nord : petit peuple joyeux et rusé qui s’est perpétué parmi nous, sous la dénomination de Lutins[1]. Une légende orale de la Basse-Normandie, que nous rapporterons à l’article spécialement réservé aux Lutins, se raconte sous ce titre : Le Lutin ou le Fé amoureux ; ce qui prouve bien que, dans la croyance populaire, lutins et fées sont des êtres d’une même espèce. Transplantés loin de leurs demeures primitives, les montagnes scandinaves, ils ont retrouvé parmi nous des habitations en harmonie avec leur origine antique et mystérieuse, et leur habitude des lieux souterrains. Les Dolmen, ou monuments druidiques, sont respectés comme leur asile, et, à cause de cela, appelés par les paysans de nos provinces : Pierres des Fées.

Quant aux fées des romans, leur principale demeure est l’île d’Avalon, que l’on disait être située au milieu de l’Océan. Ce brillant royaume de la féerie renferme des merveilles que les descriptions les plus variées se sont vainement épuisées à peindre. Pour en citer un seul exemple, il faut que vous sachiez que les murs du château d’Avalon sont d’or mêlé de pierreries, d’un éclat si prodigieux qu’il pourrait remplacer celui du soleil, et qu’il éclaire l’obscurité de la nuit de ces lueurs magiques, dont les teintes de nos plus beaux

  1. Fairy Mythology, t. i, p. 20, 66, 110, 113.