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CHAPITRE V.

Normands en France, comme si ce peuple, en traversant la mer, avait passé les eaux du Léthé[1]. » Si, donc, nous rencontrons encore, parmi les croyances populaires, quelques vestiges non douteux des superstitions scandinaves, c’est que ces superstitions trouvèrent à s’allier à des fictions analogues, nées sur le sol même de la France, et qu’elles surent ainsi se faire accepter par les anciens habitants, et se maintenir dans la mémoire des nouveaux.

Nous avons déjà constaté le fait d’une alliance semblable, à propos de la Mesgnie Hellequin. Il en est des traditions générales d’un pays comme de sa langue ; elles se forment par une concentration lente d’éléments divers. Ce sont des idées imparfaites, des images flottantes auxquelles plusieurs combinaisons successives finissent par donner une forme arrêtée, dont il a fallu, d’ailleurs, renouveler souvent l’empreinte, avant qu’elle se gravât dans la mémoire du peuple.

Ainsi, chaque tradition est un riche poème qui contient de nombreuses variantes ; chaque superstition est un symbole mystérieux où se sont formulés des dogmes identiques, quoique appartenant à des religions indépendantes l’une de l’autre ; et, quant à la mythologie des fées, qui nous occupe en ce moment, il est important de remarquer encore que, dans sa donnée primitive, le souvenir des déesses Maires s’y trouve identifié à celui des prêtresses gauloises, par suite de l’alliance, et même de la confusion qui s’était établie, après la conquête des Gaules, entre les divinités du druidisme et celles du paganisme romain.

L’opinion la plus générale fait remonter l’étymologie du nom de Fées au mot latin Fata, qui vient de Fando, et a la même origine que Vates (poète, devin[2]). Sans prétendre

  1. Depping, Invas. marit. des Normands, t. ii, p. 234.
  2. On donne encore pour étymologie au mot Fée le mot celtique Fay, le mot scandinave Alfe ; Ducange fait dériver Faies ou Fées de Nymphœ. Walter Scott prétend que le mot Péri, prononcé Feri par les Arabes, est l’origine du mot Fée ; cette opinion a obtenu peu de crédit.