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CHAPITRE V.

Sculda, nom de la troisième, est écrit sur le bouclier. Elles imposent des lois au monde, président à la naissance des hommes, et leur annoncent leur destin[1]. »

Dans une autre partie de l’Edda, on trouve encore : « Il y a dans le Ciel plusieurs villes fort belles. Près de la fontaine qui est sous le frêne Ygdrasil, il y a une ville où demeurent les trois vierges qui dispensent les âges ; on les appelle Nornes ou Fées. Mais il y en a d’autres qui assistent à la naissance de chaque enfant, pour décider de son destin. Il y a des fées de diverses origines : les unes viennent des dieux, les autres des génies, les autres des nains. Les fées qui sont d’une bonne origine sont bonnes et dispensent de bonnes destinées ; mais les hommes à qui il arrive du malheur doivent l’attribuer aux mauvaises fées. »

De cette mythologie si clairement enseignée, il ne faudrait pas conclure que l’idée primitive des fées est due aux superstitions scandinaves ; loin de là, au contraire, nous pensons que les fées du Nord ne se sont introduites qu’assez tard dans la romancerie chevaleresque. Ce sont elles, en effet, modifiées par le souvenir gracieux des fées arabes, que nous croyons reconnaître dans ces êtres d’une substance élémentaire, qui apparaissent au son d’une musique céleste, ou forment des danses aériennes qu’elles accompagnent de leurs chants, et se distinguent entr’elles par un nom qui indique leur attribut ou leur vertu principale. Mais, ainsi que nous l’avons remarqué déjà, ces fées divines ne sont point celles que nous rencontrons dans les romans du cycle d’Arthur ; pour trouver l’origine de ces dernières, il faut se reporter à une tradition qui remonte aux prêtresses gauloises[2].

D’après Pomponius Mela, historien géographe du premier siècle de l’ère chrétienne, neuf vierges consacrées au culte

  1. Voluspa, traduit par Licquet, Histoire de Normandie, t. i, p. 159.
  2. L’abbé De la Rue, Recherches sur les Bardes, etc. — Walkenaer, Lettres sur l’origine de la féerie ; lettre xxii, p. 62 et 63. — Leroux de Lincy, ibid., etc.