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CHAPITRE V.

du merveilleux romanesque existe dans le cœur humain, et elle ne reconnaît, dans toutes ces fictions, que des imitations partielles et empruntées indifféremment à toutes les sources[1].

Quoique nous abondions dans le sens de cette explication simple et rationnelle, nous pensons, cependant, qu’elle ne doit pas induire à admettre, sans discernement, les différentes origines par lesquelles on a voulu expliquer la féerie, mais qu’il y a lieu d’examiner comment les superstitions étrangères et les traditions antiques ont contribué à établir la doctrine des fées, à modifier le caractère et la personnalité de ces divinités fabuleuses.

Remarquons, d’abord, qu’il y a des fées de deux espèces différentes, que l’on a souvent confondues : celles qui tiennent d’elles-mêmes une puissance inhérente à leur origine surnaturelle, et celles qui, n’étant que de simples mortelles, se sont élevées au rang des fées par leur science dans l’art des enchantements[2].

« Toutes femmes sont appelées fées, dit le roman de Lancelot du Lac, qui savent des enchantements et des charmes, et qui connaissent le pouvoir de certaines paroles, la vertu des pierres et des herbes[3]. » Dans ces fées d’un rang secondaire, soumises à toutes les faiblesses de l’humanité, et qui, tenant l’enfer tout entier sous leurs ordres, ne doivent leur redoutable ascendant qu’à une science trop souvent fatale à elles-mêmes, nous ne reconnaissons ni le caractère imposant, ni le pouvoir inné, ni la souveraineté inviolable des divinités scandinaves. Mais elles rappellent, tour à tour, les prophétesses de la Germanie, les prêtresses de l’île

  1. Walter Scott, Essai littér. sur le Roman, t. ix, p. 46 et suiv. des Œuvres complètes, édit. in-18.
  2. J. Dunlop, History of Fiction, t. i, p. 291. — Le Grand, Fabliaux, t. i, p. 75. — Fairy Mythology, t. i, p. 21.
  3. Cité par Leroux de Lincy, Livre des Légendes. Introduction, p. 178.