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LES FÉES.

établit son droit de prise sur nos fabuleuses divinités. Elle les soumit à ses longues analyses, à ses minutieuses investigations, afin de découvrir le mystère de leur origine ; mais, lorsque toutes les recherches furent accomplies, le résultat, ainsi qu’il arrive souvent, se trouva embarrassé encore de cinq ou six différents systèmes : les fées s’étaient soustraites aux subtiles dissertations des savants, comme un essaim de brillants papillons qui s’échappe de sa prison de gaze.

La science, cependant, ne renonce jamais à son droit d’investigation ; si elle ne peut trouver le mot de l’énigme, elle se doit au moins le témoignage de l’avoir retourné en tous sens. Nous nous croyons donc obligée envers nos studieux lecteurs, de leur exposer les systèmes divers qui se sont formés sur l’origine de la féerie, car on doit tenir pour certain que la vérité se trouve dans l’un d’entr’eux.

Celui de ces systèmes, qu’on a qualifié de système gothique, attribue la création des fées aux Scaldes du Nord : elles seraient sœurs des Nornes, des Walkyries ; en un mot, elles rentreraient dans la famille des superstitions scandinaves. Le système arabe veut que les fées et autres fictions merveilleuses aient été importées en Espagne, et de là en France, par les Sarrasins et les Musulmans d’Afrique ; le système oriental, qu’elles nous soient venues à la suite des croisés, comme une imitation des Péris ; le système armoricain, qu’elles se soient perpétuées en Bretagne comme une tradition des prêtresses gauloises ; le système classique, qu’elles aient pris naissance dans les souvenirs de la Mythologie païenne. Il n’est pas jusqu’aux textes bibliques qui n’aient été proposés pour expliquer l’origine de la féerie[1]. Enfin, une théorie moins exclusive, reniant les discussions oiseuses que soulèvent tant d’opinions contradictoires, assure que le fondement véritable

  1. J. Dunlop, History of Fiction, t. i, chap. iii, p. 154 et suiv. — L’abbé De la Rue, Recherches sur les Bardes de la Bretagne armoricaine, dans le moyen-âge ; 2me édition, 1817.