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CHAPITRE IV.

Normandie, a survécu à toutes les autres. Lorsqu’un prêtre et une religieuse se sont aimés, si la mort vient à les surprendre encore enorgueillis et enivrés de leur crime, c’est-à-dire avant qu’ils aient songé à en accomplir l’expiation, le plus navrant supplice les attend dans l’autre vie. Les amants sacrilèges sont transformés en démons si hideux, que l’enfer même les repousse avec horreur. Chaque soir, ils sont chassés de l’abîme ténébreux, où se voile leur honte, et poursuivis au milieu des airs par un attroupement de démons et de damnés, auxquels ils servent de jouet. Point de reproches humiliants, de dérisions incisives, de sarcasmes cruels, de huées insultantes qui leur soient épargnés. En vain ils tenteraient de se soustraire à ces morsures de la haine et du mépris, la bande démoniaque ne perd pas un seul instant de vue ses victimes. Elle les tient enlacées sans issue, dans les mille détours de son tourbillon impur, et, de chaque souvenir de leur coupable amour, leur fait la piquante blessure d’une flagellation ignominieuse[1].

La rencontre de cette huaille maudite, comme celle de la bande de Proserpine, est un grand sujet d’appréhension. Cependant, lorsqu’on commence à entendre le vacarme démoniaque, il faut bien se garder de se laisser effrayer : tout au contraire, on se maintient de sang froid, et l’on se hâte de former un grand cercle avec le bras étendu. Alors il est permis de se croire aussi en sûreté que derrière les remparts de la plus forte tour du monde. Si la bande des Huards, avec mille contorsions menaçantes, vient pour se presser autour de vous, sa rage est forcée d’expirer devant la ligne infranchissable que vous lui avez marquée. Bien plus, ces monstres hideux demeureront vos prisonniers, à moins que, pour échapper à l’épouvante d’un tel spectacle, vous ne leur rendiez leur liberté, en traçant un nouveau cercle en sens contraire. Aussitôt, hurlant des cris de triomphe, ils se disperseront au

  1. Louis Dubois, Annuaire statist. de l’Orne, 1809.