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cédant le dernier mois d’embarquement ; 3o de n’indiquer aussi qu’alors le nom du navire ; enfin 4o de vendre qualité telle quelle non arbitrable et non garantie.

Convenez que les vendeurs se sont fait bien belle la part du lion ; impossible de mieux s’entourer de toutes sortes de précautions pour gagner de l’argent à coup sûr, et endosser la perte éventuelle au dernier acheteur, qui est, le plus souvent, un filateur. Le grand faiseur ne vend jamais à découvert qu’avec la hausse, et comme il a deux mois d’intervalle pour manœuvrer de concert avec les quatre maisons de Bombay qui ont des succursales établies au Havre exprès pour ce genre d’agiotage, il s’ensuit qu’il trouve presque toujours occasion d’acheter à meilleur marché qu’il n’a vendu, dût-il se rattraper sur le classement non garanti, sur le poids et autres chapitres.

Pour accepter un pareil marché dérisoire, pour pousser ainsi à la hausse par des achats à livrer si scabreux, il faut, avouons-le, être enragé d’affaires, et dire que ce sont quelquefois les filateurs eux-mêmes ! Mais le moyen de résister aux séduisantes propositions d’un commissionnaire qui revient dix fois à la charge, vous assiége de tous côtés, et vous prouve sur tous les tons, en égrenant un chapelet de raisons captieuses, que l’affaire qu’il propose vous offre toutes les garanties imaginables et même inimaginables ?

Cependant, rien ne se fait aujourd’hui régulièrement, consciencieusement. Tout le monde veut tromper. Le planteur, connaissant les besoins de la spéculation à découvert, trompe les spéculateurs de la localité, en retenant les cotons dans l’intérieur ; les mêmes spéculateurs des lieux de production trompent les importateurs européens en feignant de croire, par la modicité des recettes, à une récolte réduite ou attardée, et les négociants européens, à leur tour, trompent les filateurs en exploitant, machinalement ou avec préméditation, toutes ces fausses nouvelles, combinées de longue main, jusqu’à ce que, par la force même des choses, la bombe éclate, et des recettes formidables, trop longtemps masquées, sont tout à coup annoncées à la stupéfaction de tous ceux à qui l’on a jugé utile de cacher la vérité. Bien plus, on forme des syndicats, comme cela a eu lieu dernièrement à Liverpool, pour s’opposer par tous les moyens artifi-