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CHARLOT S’AMUSE

sance, plus raffinée, plus rare et qui la rajeunissait.

L’enfant recevait ses caresses froidement, sans mot dire, un pli amèrement boudeur pinçant sa bouche et vieillissant sa physionomie gamine dans une expression revêche qu’amollissait seul son regard clair, un regard d’homme, pensif et doux. Il n’eut un tressaillement qu’en entendant la veuve, décidément empoignée, lui murmurer entre deux baisers humides et chauds, l’appellation câline, naïve, enfantine, rustique, souvenir de son enfance à elle, qu’il lui avait déjà entendu balbutier, comme le dernier mot auquel se raccrochât son esprit, lorsque pâmée l’autre nuit et délirante, elle berçait sur sa poitrine nue la tête avachie du chauffeur. Et comme la Bretonne s’éloignait enfin, se tamponnant les yeux de son mouchoir roulé en boule, Charlot, dans une involontaire évocation et les joues en feu tout à coup, revit la scène mystérieuse qui avait suivi son retour de l’enterrement, l’orgie, ses monstrueux détails, ce qu’il ne comprenait pas encore tout à fait, et ce qu’il démêlait confusément déjà.

Alors, un instant, il oublia l’abandon lâche et cruel, la vengeance calculée et méchante, qui le jetaient chez des étrangers, au lendemain de la mort de son père, le sevrant de l’affection