Page:Bonnetain - Charlot s'amuse, 1883.djvu/55

Cette page a été validée par deux contributeurs.
43
CHARLOT S’AMUSE

s’emporta, furieux, et la pauvre fille, dans un moment de désespoir indigné, courut se jeter au pied du lit du vieux curé, et lui avoua tout. Le brave homme pleura avec elle et trouva la force de se lever. Il fallait aviser au plus vite le père Kermadiel, dont le retour semblait prochain, étant homme à tuer la fille-mère. Le recteur monta dans une carriole et partit à la ville. Le soir même, le vicaire recevait notification de son changement de cure et, désolé, s’enfuyait en maudissant la Bretonne et l’idylle qui compromettaient son avenir.

La semaine suivante, la jeune fille, accompagnée de son parrain, dont la colère avait secoué les rhumatismes, débarquait à Paris. Claquemurée aussitôt dans une maison froide et silencieuse de la place Saint-Sulpice, entourée de femmes en deuil, jaunes, sèches, qui ne parlaient jamais et ressemblaient à des religieuses, elle ne quitta pas un seul jour la cuisine, pendant sa grossesse, pas même pour aller à l’église. Elle s’alita enfin deux jours et accoucha d’un enfant mort.

Huit jours après, comme elle était remise, la maîtresse de l’établissement la fit habiller et l’emmena. Anne fut conduite à Saint-Sulpice et se confessa à un prêtre qui, à son grand étonnement, la connaissait déjà, et qui, après l’avoir