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CHARLOT S’AMUSE

caresses, elle le vit s’effrayer, perdre la tête, en découvrant son drap ensanglanté. Tandis qu’elle pleurait, prise d’une lassitude immense, sans savoir pourquoi, ainsi que la belle fille des légendes armoricaines lamentant sa virginité perdue, le prêtre tournait, rageur, autour de la chambre, craignant déjà que tout fût découvert, car un coin du drap était déchiré, et la vieille servante, toujours soigneuse, avait annoncé que, pour ne pas laisser la fente s’agrandir, elle raccommoderait l’accroc elle-même, avant le lessivage. Elle allait certainement apercevoir la tache et la vieille commère devinerait tout. Il fallut que, pendant la nuit, Anne allât au puits laver la toile. Le prêtre reposa tout habillé, et, par le froid sec, la pauvre fille resta les bras dans l’eau, frottant et savonnant, regardant parfois au clair de la lune si le témoignage de sa faute s’effaçait.

Et les contes des veillées lui revinrent, et elle se rappela que le grand Yves, qui rentrait du service, avait raconté un soir, malgré les chut indignés des vieilles, qu’il avait vu, dans certains pays, les maris conserver pieusement dans un coffre, toute leur vie, la chemise de noces de leur femme. Un grand attendrissement la prit. Quand elle rentra, l’abbé ronflait.