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CHARLOT S’AMUSE

diable par une honnêteté native. Bon zig, disaient de lui les camarades ; brave homme, disaient les patrons.

Un jour, comme il travaillait à l’église, il avait été mandé au presbytère, à côté, pour réparer les conduites d’eau de la cuisine. Là, il avait rencontré Anne Kermadiel, une belle fille de Bretagne, qui aidait sa tante dans les travaux de la maison. Tout de suite, il l’avait aimée pour de bon, lui, le joyeux drille : elle l’avait ensorcelé avec son bonnet de bretonne et son air campagnard.

Il mit trois jours à ressouder les tuyaux, heureux de se frotter aux jupes de cette paysanne dont, avec l’amour inné du vrai Parisien pour les champs, il adorait la rusticité et le parler incorrect, s’imaginant, lorsqu’il la lutinait dans les coins, retrouver en elle les rêves naïfs et champêtres qu’il avait faits, jadis, dans ses promenades du dimanche, au-delà des fortifications.

Anne était du Finistère. Jusqu’à vingt ans, elle avait vécu dans un petit village de la côte, l’été, allant parfois à la pêche avec ses frères et son père, l’hiver, raccommodant les filets, le plus souvent, faisant paître ses vaches dans les ajoncs, à travers les landes. Elle avait poussé vigoureusement dans ce milieu sain et