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CHARLOT S’AMUSE

pour plusieurs mois. Il ne lui restait qu’à se foutre à l’eau. Elle pleurait.

Charlot lui prit le bras, la consola. Son attendrissement l’emportait sur le dégoût. Cette femme était comme lui un paria. Elle était avec cela jolie, et un désir lui venait de la regarder en pleine lumière. Il lui offrit de l’emmener et elle consentit, avec une joie qui lui mit une flamme dans les yeux et, pour un instant, la fit belle.

Une heure après, ils étaient au quai de Jemmapes. Tout d’abord, elle se livra avec froideur, semblant payer en caresses machinales l’hospitalité que le jeune homme lui offrait et le service qu’il lui avait rendu. Mais, bien vite, elle s’étonna, se sentant frissonner sous cette étreinte passionnée qui ne se lassait pas, toujours plus violente.

Et brusquement, elle adora l’homme qui la tenait ainsi, le mangeant de baisers, lorsque, brisé, il s’abattit à côté d’elle sur l’oreiller, lui racontant à son tour sa vie, son long martyre, sa longue appétence de la passion et l’écrasement de sa félicité présente. Elle n’avait jamais été aimée de la sorte, et, dans son cœur de femme, une pitié s’éveillait pour ce misérable à qui elle apportait le bonheur et la guérison. Tous deux étaient les victimes d’une