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CHARLOT S’AMUSE

promeneur à l’angle d’un trottoir. Comme mû par un instinct, c’est à ces deux femelles, dont une promiscuité bizarre exposait les portraits à côté de ceux des reines de l’art, actrices de l’Opéra, du Français et des scènes où le talent passe avant ce que recouvre le maillot, c’est à ces deux gourgandines de beuglant que Charlot rêvait le plus. C’est elles qu’il venait saluer et c’est à elles que s’adressaient, la nuit, les sanglots d’amour qui, peu à peu, le tuaient.

Mais voilà qu’on éteignait le gaz : les vieux remontaient et accostaient les dernières jeunes filles qui rentraient des ateliers, le nez en l’air, se dandinant effrontément. Charlot, les jambes cassées de sa longue station devant la vitrine, et l’œil rempli de formes blanches qui dansaient, traversait la rue Grange-Batelière et enfilait le passage Verdeau. Là, c’étaient les parfumeuses ou la libraire qu’il guettait tapies dans leur boutique obscure et faisant des signes aux passants bien mis. Elles lui semblaient désirables dans ce noir, avec leurs yeux qui luisaient et l’éblouissement éternel de leur sourire.

D’autres soirs, il allait rue Vivienne ; il y avait là d’autres marchands de photographies, qui vendaient surtout des reproductions des tableaux de nu du dernier Salon. Même il,