Page:Bonnetain - Charlot s'amuse, 1883.djvu/228

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
216
CHARLOT S’AMUSE

et le sous-officier de semaine entraient ; le caporal de chambrée, debout au milieu de la pièce, faisait l’appel, et Charlot, nommé le premier, se rendormait encore sous la pluie des « Présents ! » qui déroulait trente-deux intonations différentes, allant du glapissement au bourdon, et, décroissante, gagnait les salles voisines, semblant y éveiller un écho.

Enfin, l’appel fini, la caserne un instant morte ressuscitait avec un immense brouhaha. Des piétinements secouaient les plafonds, et, des cinq étages, les troupiers se précipitaient, dévalant par les escaliers sonores, et couraient aux vespasiennes. Duclos était déjà entre ses draps. Sa couverture montée jusqu’au menton, il se replongeait dans le sommeil, bienheureusement. Il n’entendait presque jamais sonner l’extinction des feux, puis, à dix heures, la fermeture des cantines. Il se ruait tout de suite au repos, à l’anéantissement, bercé par un interminable conte de chambrée que quelque vieux soldat entamait, s’assurant de l’attention de ses auditeurs par des « Cric ! » auxquels répondaient des « Crac ! » de plus en plus rares.

Le bon sommeil ! comme Charlot aurait voulu qu’il durât vingt-quatre heures ! Ne plus penser, s’annihiler, oublier la monotonie cruellement désespérante de son existence ! Il ne