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CHARLOT S’AMUSE

couchettes, ses planches à bagages couvertes d’effets et de sacs, symétriquement espacés et disposés. Ahuri, il se frottait les yeux. Souvent alors, le cœur trop gros, il se retournait, la tête sur l’oreiller, pour pleurer sans être vu. Puis, c’étaient d’autres souffrances, de petites misères que faisaient grosses son inexpérience de grand bêta, ses habitudes d’enfant gâté, amolli par le confort et les caresses autant que par son mal. Dans ce régiment, où s’agitaient plus de deux milliers d’hommes, dans cette compagnie d’engagés volontaires incessamment grossie par des arrivées, au milieu de cette chambrée où, dans une étroite promiscuité, trente-deux conscrits vivaient côte à côte, il se sentait aussi seul qu’à Saint-Dié, avec la gêne en plus. Bientôt, cependant, il n’eut plus même le temps de se désoler. Levé à l’aube, il n’avait pas, jusqu’au retour de la manœuvre du soir, qu’on faisait après la soupe, une seule minute à lui. En rentrant, il ne tenait pas debout ; ses jambes flageolaient, et de douloureuses palpitations rendaient sa respiration anxieuse. Il avait alors à panser son épaule, meurtrie à travers la chemise et la vareuse par le poids de son chassepot, le passager regret d’avoir orgueilleusement insisté pour être accepté lors de l’examen du médecin