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CHARLOT S’AMUSE

sant, suivant les saisons, la même constatation banale et irréfléchie pour les glycines, les lilas ou les faux acacias.

Puis, il passait devant le bureau du télégraphe. Il donnait un regard distrait au tableau des cours de la Bourse affiché derrière un grillage, et, au bout de quelques pas, il essayait, pour remplir le vide de son esprit, de reconstituer dans un dessin mental, l’imprimé trop familier, avec ses en-tête, son encadrement, ses colonnes, ses lignes de points, son cachet bleu et la signature stéréotypée du receveur, toujours atrocement pareille à celle de la veille. Ensuite, il s’arrêtait au magasin de nouveautés Nordon, inspectant l’étalage, connaissant la devanture comme sa propre chambre, et s’intéressant à la réapparition dans la vitrine des coupons déjà vus et au retour des mêmes châles cassant leurs dessins et heurtant leurs couleurs dans leurs plis en éventail.

Plus loin, il retrouvait les enfants du quartier jouant sur le trottoir. De tous les êtres rencontrés sur sa route, ceux-là seuls lui apportaient chaque jour une impression différente, variant leurs yeux avec la mobilité fantasque des gamins. Il les contemplait pendant de longues minutes, comme prodigieusement distrait par leurs parties de billes ou de marelle,